Puisque la recherche de boulot a jusqu’à maintenant été infructueuse et que les offres commencent à se faire rares à l’approche des fêtes, j’ai commencé à élargir mon champ de recherche d’emploi.
J’avais prévu, avant même mon arrivée à Cambridge, de me donner quelques mois pour trouver du travail sur place, mais de ne pas m’enfermer si ça ne marchait pas. Je n’abandonne pas l’idée de trouver un boulot à Cambridge ou Londres, mais je commence à reprendre mes marques avec le marché du travail français.
Outre les offres britanniques donc, je me suis mise à chercher et répondre à des offres en France. Et j’avoue que ça m’a fait un choc, dont je me suis remise d’autant plus facilement que je pense que les choses jouent en ma faveur, mais qui m’a fait un peu réfléchir sur les méthodes d’embauche françaises.
Au Royaume-Uni, pour toutes les offres (à l’exception de une ou deux trouvées sur le site web du Guardian) les détails du poste affiché étaient particulièrement fournis : qui est l’employeur, le salaire, la durée de travail, les avantages, les missions précises point par point, les compétences nécessaires, etc. Et puis, surtout, les spécificités recherchées chez le candidats sont très, très précises. Parfois plusieurs pages avec les caractéristiques liées à la formation, à l’expérience, à la personnalité. Un vrai cahier des charges donc. Du coup, il est normalement plus facile pour l’employeur de faire son choix de façon objective. Les besoins ont été définis clairement, il n’y a plus qu’à comparer le profil du candidat et voir s’il correspond à ce qui est cherché (d’accord, je simplifie un peu). Souvent, les candidats sont même invités à remplir un formulaire plutôt qu’à envoyer les habituels CV + lettre de motivation.
Bien entendu, dans tous les cas, il n’est demandé aucun renseignement de nature personnelle dans la candidature en elle-même (comme l’âge, le sexe, la couleur de peau, la situation matrimoniale, etc.), mais ces informations sont réunies dans une feuille à part qui ne sera pas prise en compte dans le processus de sélection et servira uniquement pour les statistiques. Il est vrai que de se faire demander ses préférences sexuelles pour un dossier de candidature est dans un premier temps assez déconcertant, mais finalement il n’est, d’une part, jamais obligatoire d’y répondre et c’est, de toute façon, dissocié du processus de sélection et ne l’influence pas (normalement en tout cas). Il est inutile de préciser qu’on ne met jamais sa photo sur son CV, de la même façon qu’on n’y met pas sa date de naissance ou sa situation de couple.
Côté continental de la Manche, les choses sont un peu différentes et j’avais presque oublié à quel point.
Les offres sont déjà souvent nettement moins longues. En général sont indiqués le lieu de l’emploi, le salaire et les éventuels contraintes horaires. La mission est plus ou moins détaillée, rarement de façon exhaustive mais cela arrive. La plupart du temps, c’est plutôt de l’ordre d’une dizaine de lignes. Le type de candidat recherché est bien sûr évoqué, en une dizaine de lignes maximum également le plus souvent. Une indication générale sur le niveau et le type de diplôme, quelques recommandations sur la personnalité, et deux trois compétences listées. C’est nettement moins précis que ce à quoi je m’étais habituée à Cambridge. Et, du coup, ça me donne l’impression que j’ai plus de place pour me vendre. Puisque le « cahier des charges » du bon candidat semble moins précis, cela doit me permettre de plus facilement me vendre puisque je n’ai pas à correspondre exactement à une demande clairement formulée. En conséquence, lors du processus de sélection, il semble probable qu’une plus grande part soit laissée à une appréciation subjective des candidats.
Et c’est là qu’intervient mon plus gros choc, dans les instructions pour postuler :
« Les candidatures (lettre manuscrite + CV+ photo) sont à adresser à : Monsieur le Maire [suit l’adresse où envoyer tout ça] »
Déjà avant mon départ pour l’étranger, ça ne me venait pas à l’idée de mettre ma situation matrimoniale sur un CV (pourtant, autour de moi, j’en voyais beaucoup qui le faisait). D’avoir cherché un emploi au Canada, j’avais supprimé date de naissance et photo également. Et là, paf ! On me demande une photo dans un dossier de candidature. J’avoue que je me suis déshabituée et l’arbitraire d’une telle demande me choque aujourd’hui bien plus qu’il y a quelques années. Que faire donc ? Ne pas mettre de photo et risquer d’invalider sa candidature ou alors se plier à cette exigence absurde ? Je ne veux pas tenter le diable et le boulot m’intéresse, je remets donc sagement une photo sur mon CV.
Autre curiosité, la « lettre de motivation manuscrite ». Bien que cela me choque moins, j’avoue que ça fait aussi bien longtemps que je n’avais pas vu une telle requête. Je me demande si, dans le secret d’une municipalité, un graphologue ne va pas analyser dans le détail mon écriture pour en tirer de grandes conclusions…
Et enfin, de devoir adresser toutes ces belles choses à « M. le Maire » ne m’inspire pas non plus une confiance sans faille. Je veux bien qu’il soit le supérieur hiérarchique des employés municipaux (le poste en l’occurrence est celui d’un coordinateur culturel, et j’ai vu le même type de destinataire pour un poste d’adjoint à la conservatrice d’un musée municipal), mais je ne suis pas convaincue de ses compétences en ressources humaines. Mais peut-être vois-je le mal partout et ce n’est pas « M. le Maire » tout seul dans son bureau qui décidera de l’embauche selon des critères obscurs.
Finalement, j’ai l’impression que j’ai plus facilement mes chances quand je réponds à une offre française parce que sur la photo je présente bien et que même si mon profil n’est pas exactement celui recherché, j’arriverai à produire une lettre de motivation suffisamment convaincante pour « embobiner » l’employeur. J’utilise le terme embobiner même s’il n’est pas forcément le plus adapté. Je pense en effet postuler pour des postes dont je serai parfaitement en mesure de remplir les missions. Mais alors qu’en Angleterre je n’aurai pas ma chance si je n’ai pas les deux années d’expériences demandées, en France je suis persuadée qu’il est possible de compenser.
Dans une certaine mesure c’est positif. Dans mon cas en tout cas je pense que c’est un atout. Mais ça peut également se révéler traître puisque, en l’absence d’une grille objective d’analyse des candidatures, finalement les candidats avec le plus de bagou et d’aplomb risquent d’être favorisés par rapport à ceux qui ont réellement la formation, les compétences et l’expérience recherchées.
En conclusion, je n’arrive pas vraiment à me faire une idée du meilleur des deux systèmes. Il est probable que, quand bien même le système français favorise une discrimination, je ne sois finalement ni avantagée ni désavantagée par aucun des deux.